Nous sommes en train d’écrire un monde où l’humanité est chargée du labeur et l’Intelligence Artificielle, de la création (poésie, peinture…). Pourquoi devons-nous nous soustraire à l’art et ne nous réserver que les tâches ingrates, le sale boulot ? Avons-nous réfléchi à ce que nous voulions conserver ? Pourquoi est-il si urgent de remplacer l’auteur par ChatGPT, le graphiste par Midjourney  ? L’avons-nous même choisi ?

Avec l’arrivée massive de contenus générés au kilomètre (scénarii, articles, photos, poésies, logos, illustrations…), nous gravons dans le marbre la vacuité des artistes. Avec la pandémie, nous savions que l’artiste était un être non essentiel. Les rubalises sur les livres faisaient presque échos à ces brasiers d’antan. Subversifs ou inutiles ? Même combat ! L’art était réduit au silence dans un monde où le produit vital était porté aux nues. 

Puis, l’artiste a fait un retour timide, avec des jauges de remplissage des salles, des concerts annulés, des cinémas désertés, le sentiment de ne pas être aidé. Seul l’abreuvement de produits industriels a été encouragé. « Relancez la consommation, achetez des voitures, faites tourner les usines ! ». Et pendant ce temps, les cerveaux, eux, ne s’étaient pas remis en marche. 

En bon dernier, une fois que les produits essentiels (alimentation, essence) et les biens de consommation ont réussi leur retour en fanfare ; la création a refait son entrée, par la petite porte. C’est à ce moment-là que l’on a réalisé « Mais qu’est-ce que la musique nous avait manquée ! Quel plaisir de franchir de nouveau la porte de cette médiathèque ! ». 

Insidieusement, timidement, sans grand raffut, la création sait se rendre indispensable. Elle se faufile dans nos têtes, reste en mémoire alors qu’on la pensait oubliée, nous soulage alors qu’on ne s’y attendait pas. Sans le montrer, elle fait partie de nous, de nos vies, de nos besoins, si indispensable. Mais, parce qu’impalpable, elle est souvent ignorée. 

Entre un énième t-shirt et la liberté de créer, quel est le plus important ? Dans un monde où les sites de e-commerce pullulent, l’art est précieux. Mais, à présent, nous choisissons de réserver cet art à l’IA, d’automatiser l’écriture de scripts, de « laisser les miettes » à la machine. 

Avons-nous réellement décidé que l’art serait secondaire ? Une basse besogne à faire traiter par des machines ? Avons-nous réellement acté que l’essentiel de l’être humain était de produire et d’acheter des biens de consommation ? De nous enfermer dans une spirale consommatrice, en remettant les clés à l’IA, qui dispose, elle de la liberté créatrice ?

Un vendeur de produits de crédit-conso a-t-il plus voix au chapitre qu’un auteur de romans ? Pourquoi ? Pour mon bien-être, ai-je davantage besoin de multiplier les achats que d’apprécier une œuvre ? De contempler ? D’écouter ? De ressentir ?

Aujourd’hui, je regrette que la société se dessine ainsi. L’art d’exprimer une émotion devient l’apanage d’un robot et le cœur humain se tait.

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